De la singularité à l’Humanité,
Être un héros ordinaire
Par Caroline Desquest
Voilà, le mot est posé, singularité.
En premier lieu, le regarder. Puis lentement, très lentement parfois, l’apprivoiser. Évidemment, plus facile à dire qu’à faire…
Parce qu’être singulier c’est se démarquer, être singulier c’est se faire remarquer, sortir du rang, être hors normes.
Être singulier est pourtant l’essence même d’un individu.
Combien de fois avez-vous pu entendre quelqu’un dire que votre singularité est en fait votre richesse, qu’elle vous connecte à votre Humanité ?
Bonne question, n’est-ce pas ? Soyons honnêtes, nous sommes entre nous, entre gens curieux de soi et curieux de l’autre, l’authenticité est de mise, lançons-nous, soyons fous, explorons ensemble ! Osons aller à la rencontre de nous-même !
Et là, patatras, tout s’écroule ! Eh oui, c’est bien beau d’expliquer que la singularité est formidable, qu’il « faut de tout pour faire le monde », que chacun a des talents particuliers ou encore cachés, qu’il suffit de réussir à les révéler au monde, que nous avons tous besoin les uns des autres et j’en passe et des meilleurs …
Et moi, je fais quoi au milieu de tout ça ? Parce que c’est bien gentil mais entre l’éducation reçue, les conditionnements liés aux différents groupes collectifs depuis ma plus tendre enfance pour faire des activités potentiellement épanouissantes, la place dans la fratrie, la pression pour les résultats scolaires, le « réussir sa vie » en devant choisir un métier (pourquoi UN seul ?), la pression sociale, l’éducation de mes propres enfants
(on en parle de l’enfant rêvé et de l’enfant réel ? Non, d’accord, on n’en parle pas …), mon éducation pour l’éducation de mes enfants et accessoirement mon éducation pour l’éducation de mon conjoint pour l’éducation de nos enfants (les joies de l’apprentissage de la parentalité positive…), etc. Liste non exhaustive évidemment, vous compléterez vous-même, j’ai comme l’impression que ça n’est pas gagné !
Bref, l’énumération précédente tend plus vers un apprentissage de l’adaptation, voire de la « sur adaptation », qu’à une hypothétique découverte d’une quelconque singularité, à moins qu’elle ne soit bénéfique, à un moment donné, au collectif jusqu’à ce que, peut-être, l’on nous dise que nous avons les défauts de nos qualités , sic.
“Un allié de taille ?”
On souffle, on respire doucement par le nez, on se pose car nous avons un allié de taille…
Notre corps ! Il nous parle ! Si, si, tout le temps, avant même que l’on ne s’en rende compte, très précisément 1⁄4 de seconde. Et souvent notre corps a besoin de littéralement hurler pour que nous l’entendions, jusqu’à nous faire hurler de douleur lorsque nous nous blessons pour nous obliger à nous arrêter (chez moi ce sont les chevilles, 15 entorses à gauche, huit à droite, je maîtrise plutôt bien le hurlement) ou bien il brûle, que ce soit le « burn », « in » ou « out », pourquoi pas un sympathique ulcère, sans omettre d’évoquer le sujet « thyroïde et ses petites fluctuations ». A nouveau liste non exhaustive.
Si vous ajoutez à cela le côté perceptions sensorielles exacerbées (vous savez le nouveau sujet « in » des hypersensibles ou encore celui des HPI et autres dys, bref les atypiques), la régulation des émotions devient quelque peu épineuse à mettre en œuvre.
Et comme notre corps dit « stop », nous sommes enfin amenés à écouter ce qu’il pourrait vouloir nous dire, nous sommes amenés à nous connecter à lui, à redescendre du cérébral au corporel, à nous relier à nos sens, à ce que nous racontent nos émotions, nos ressentis, à prendre conscience de son existence qui n’est pas seulement un véhicule qui nous transporte mais bien plutôt une enveloppe charnelle que nous avons à protéger et à respecter car UNIQUE, tant dans sa composition d’ADN que dans son aspect temporaire, presque éphémère…
Enveloppe sans laquelle nous ne serions plus vivants sur cette terre et qui est tellement riche d’enseignement, à commencer par notre génétique…
La conscience et l’acceptation de notre corps, dans sa composition physiologique et neurologique, de ses capacités, de nos facultés propres, de nos limites à un instant T permettent une compréhension de notre mode de fonctionnement interne et amènent, pour un esprit ouvert, à découvrir que nous avons chacun un langage, tant corporel que cérébral, unique car personnel, individuel. Nos connexions neuronales se forment au fil de notre existence, ainsi que les canaux mnésiques, en fonction de nos expériences de vie incluant les traumatismes vécus. Il n’existe donc aucun autre corps identique au nôtre. En bref, nous avons à découvrir puis apprivoiser et enfin intégrer notre propre langue avant de pouvoir comprendre celle de l’Autre, et ce tout au long de notre expérience de vie. Et une fois que j’ai intégré cette donnée fondamentale, le champ des possibles s’ouvre…
Et je découvre qu’un aspect de ma singularité a un effet miroir chez un autre à un moment donné, que l’Autre parle des balbutiements de ma langue et que je commence à le comprendre … Vous n’avez pas idée (ou peut-être que si…) de ce que cela représente pour un HPI de découvrir qu’un Autre parle sa langue, même une simple bafouille. Quel soulagement intense et viscéral cela représente de se sentir compris par un Autre … De pouvoir être authentique, sans avoir à s’adapter pour être accepté. L’homme a besoin de vivre en groupe depuis des millénaires, de manière instinctive, afin de se protéger des prédateurs. C’est le groupe, la masse, le collectif, la tribu qui protègent par leur nombre. La singularité, souvent, amène un sentiment de solitude effroyable, voire de rejet car elle peut mettre en danger le groupe. Alors trouver sur sa route ne serait-ce qu’une personne susceptible de fonctionner comme soi, ne serait-ce qu’un tout petit peu… J’ai eu l’occasion de vivre une expérience extraordinaire lors d’un week-end de séminaire, toutes les personnes présentes étaient HPI. Je me sentais enfin “normale”… “Normale” car la norme était la mienne. Une véritable révélation : je suis normale dans “ma” norme. Mon ressenti durant ces deux jours a été… Je ne trouve même pas le mot et reste sans voix, les doigts au-dessus du clavier. Je me replonge avec délice et délectation dans cette sensation de voler, de planer, d’être dans une bulle de coton chaud, protégée, entourée, choyée, reconnue, acceptée, adoubée… C’est cet évènement qui m’a reconnecté à mon Humanité et a déclenché la conviction profonde que ma singularité, mes faiblesses étaient ma force la plus glorieuse et qu’il était temps de les offrir au monde.
Ma mission de vie m’était révélée.
J’ai lu récemment dans un des romans historiques « fleur bleue » dont je raffole (attention c’est la séquence « littérature » de ma prose) les premiers vers d’un poème que je vous partage :
« Laissez les cartes aux autres,
Qui montrent des mondes sur des mondes,
Nous ne possédons qu’un monde,
Chacun en a un et en est un à la fois. »
« Le Bonjour », John Donne, poète métaphysique anglais, XVIIème
N.D.A. : Vous avez bien lu, poème du XVIIème siècle. Comme quoi le « Dev Perso » ne date pas d’aujourd’hui… Pour info, les égyptiens, il y a 3500 ans, soignaient déjà par hypnose… Pardon, je m’égare (encore ce TDA), reprenons !
Je comprends ces vers ainsi : chacun de nous est un monde à part entière dans le monde.
Tout est interconnecté et en même temps j’accepte que l’Autre puisse voir autrement, parle une autre langue. Et c’est juste et nécessaire car c’est exactement cela qui constitue la richesse de l’Humanité.
Et là s’éclaire le chemin, la lumière paraît au bout de chacun de nos tunnels personnels quand cette prise de conscience arrive : nous sommes tous singuliers dans notre Humanité.
Énorme, non ? Un peu du style « elle a inventé le fil à couper le beurre » ?
Et pourtant, cette évidence en est-elle une pour tous ?
Aller vers notre singularité en ayant conscience de notre Humanité me semble être un chemin empli de sens, d’authenticité, de bienveillance incluant l’apprentissage du respect et de l’amour vis-à-vis de soi-même qui amène le respect et l’amour de l’Autre, une aspiration à tendre vers le Beau, le Bien et le Vrai (c’est beau, non ?).
Aller vers notre singularité en ayant conscience de notre Humanité est tout autant un chemin rempli d’écueils, de doutes, de peurs, d’échecs, de batailles tant intérieures qu’extérieures, de trahison, de rejet, de sentiment de solitude profonde, de désespoir parfois aussi (là, d’un coup, c’est moins sympa …).
Aller vers notre singularité en ayant conscience de notre Humanité demande du courage, de l’audace, du travail, de l’effort, de l’opiniâtreté, de l’humilité, de pardonner en conscience, de l’introspection, une capacité de projection sur le trésor que je souhaite être, de l’acceptation aussi de ce qui a été ou est, de la générosité, d’être en mesure d’avoir déterminé les valeurs prioritaires propres à chacun de nous pour les porter au monde.
Et si ma passion pour les romans historiques « fleur bleue » et pour les héros n’était finalement que les prémices pour m’inciter à passer à l’acte, celui d’assouvir un besoin fondamental ? Et si j’étais enfin l’héroïne que je rêve d’être ? Et si je faisais de ma vie un roman ? Et si vous faisiez de votre vie un roman ?
Aller vers notre singularité en ayant conscience de notre Humanité, n’est-ce pas être un héros ordinaire ?
Aller vers notre singularité en ayant conscience de notre Humanité,
n’est-ce pas finalement pour chacun de nous être un héros ordinaire ?
Cet article est disponible en podcast ici :

Caroline Desquest
Restauratrice de l’Humain Thérapeute spécialisée HPI EMDR, Hypnose Humaniste et TSA

